On attaqua une troisième tranchée. Mais dans celle-ci les Anglais se tenaient au coude à coude et nous repoussèrent.
Toute une rangée de morts et de blessés s'accumula bientôt devant leur tranchée, et le reste des compagnies courut se réfugier dans la deuxième tranchée.
C'est là que fut tué Théophil Walter, de Strueth.
C'était une vision horrible; les morts, les blessés gisaient partout, Allemands
et Anglais pêle–mêle, et le sang ruisselait encore de leurs blessures.
En regardant dans les tranchées, on ne voyait qu'un entrelacs de jambes
gainées de bandes molletières et de mains crispées, brandies vers le ciel. Le
sol de ces tranchées était complètement recouvert de morts. On dut enterrer
ceux qui se trouvaient dans nos positions. On enleva un peu de terre près du
mur du fond de la tranchée; on coucha les morts et on les recouvrit de terre.
Comme il n'y avait aucune possibilité de s'asseoir dans les tranchées, ces
petits monticules nous servirent de sièges. Puis il recommença à pleuvoir.
Les tranchées se remplirent bientôt d'eau et de boue et, bientôt, on fut si
sales que seul le blanc de nos yeux restait visible.
Je fus envoyé chercher des munitions ; je vis partout, sortant de terre, des
bouts de bottes, des mains crispées et aussi des cheveux collés par la saleté.
C'était une vision épouvantable, qui me poussa presque au désespoir. J'étais
tellement dégoûté de tout que je n'attendais plus rien de la vie. Les combats
duraient depuis octobre à cet endroit et les morts de cette époque se
trouvaient encore sur le terrain, entre les tranchées, car il était impossible
de les enterrer.
'Un peu à droite de ma meurtrière gisait un soldat allemand, couché sur le
ventre, la tête tournée vers moi; son casque était tombé lorsqu'il avait été
abattu; sa peau et ses cheveux avaient disparu sous l'effet de la putréfaction,
et sur une surface large comme la main, on pouvait voir sa boîte
crânienne qui avait été délavée par la pluie et le soleil. Dans une main, il
tenait encore son fusil rouillé, baïonnette au canon; la chair de ses doigts
avait pourri et les os apparaissaient. C'était surtout la nuit que je ressentais
une impression bizarre, en voyant ce crâne blanc devant moi. A cause des 61
balles tirées sans arrêt, surtout de nuit, ce corps était transpercé comme une
passoire.
Concerne la visite du Président le jeudi 8 novembre à Notre Dame de Lorette
DR les cahiers d'un survivant
C'est un tout petit aperçu qu'écrit DR à son retour avec lieux et dates exacts sans prise de notes.
Oreilles sensibles s’abstenir!
Nouveau livre de Remy Cazals
La fin du cauchemar 11 noveembre 1918