Nouveau-né des musées dédiés à la Grande Guerre dans la région, le Mémorial de Haute-Alsace à Dannemarie se prépare à ouvrir ses portes le 9 mai. L’une de ses pièces maîtresses, le képi du caporal Peugeot, vient de rejoindre la collection. L’occasion d’un état des lieux au coeur des préparatifs…
Des années qu’il était à l’abri des regards indiscrets dans un coffre-fort, après avoir trôné sans plus de précautions que cela pendant des décennies dans la salle d’honneur. En mairie de Joncherey, aux confins occidentaux du Territoire-de-Belfort, on a dit au revoir au képi du caporal Jules-André Peugeot.
Le couvre-chef du premier mort pour la France de la guerre 1914-18 a en effet rejoint officiellement les rangs déjà bien garnis du Mémorial de Haute-Alsace. Propriété de la municipalité franc-comtoise depuis le don de la famille du soldat à la sortie de la guerre, ce képi légendaire — modèle 1884 et fabriqué au pénitencier d’Albertville en 1908 – a fait l’objet d’une convention de prêt de longue durée avec la commune de Dannemarie, propriétaire du musée.
Celui-ci doit ouvrir pour la première fois ses portes le 9 mai prochain, 150 ans après la signature du traité de Francfort. Dans un état de conservation remarquable – il n’a, il est vrai, pas servi très longtemps ! – la coiffure militaire est prévue pour être l’une des attractions majeures de la collection présentée au public. « Son arrivée au Mémorial est émouvante », indique même la directrice de l’établissement Marion Lavaux. «b » A ses côtés, la médaille d’identification du caporal tombé la veille de la déclaration de guerre, mais aussi et surtout un casque d’officier prussien de chasseurs à cheval rappelant celui du sous-lieutenant Albert Mayer, considéré lui comme le premier militaire allemand mort au combat lors de la Grande Guerre.
Après avoir regardé un film sur l’histoire de l’Alsace, avoir déambulé entre les spécificités alsaciennes nées de la période d’après 1871, le visiteur plongera ainsi dans le récit largement illustré du premier conflit mondial.
Particularité des lieux, ils feront la part belle à la dimension régionale et aux singularités locales de la guerre. Le choix est assumé et rendu captivant par la riche collection de pièces d’époque vendue à la commune par l’association des Tranchées Oubliées, dont l’exposition en 2015-2016 a servi de déclic au projet. Les tenues militaires y sont nombreuses et variées, et ce n’est pas tout.
Autre pièce maîtresse du Mémorial, les cahiers d’écolier de Dominique Richert, soldat allemand né dans le Sundgau, seront sur socle et sous vitrine. L’incroyable récit autobiographique a été numérisé pour permettre une consultation agréable via un écran tactile. Mieux, dix-sept extraits de ces précieuses mémoire de guerre ont été lues et enregistrées et pourront être écoutés pour une immersion complète : « l’historien Marc Glotz, qui fait partie du comité scientifique du musée, a donné sa voie pour faire vivre l’œuvre de Richert », explique le maire de Dannemarie Alexandre Berbett. « Il y a quinze extraits en français, un en allemand et un en anglais. »
Reste à savoir si le Mémorial pourra bien ouvrir à la date inaugurale convenue. Rien n’est moins, contexte sanitaire oblige. « Nous le ferons en tous cas aussitôt que possible quand les restrictions nationales auront été levées », assure l’élu. D’ici à début mai, le programme s’apparente à une course contre la montre. L’entrée et la boutique sont en cours d’aménagement. Un canon de 75mm, donné au musée par le ministère des Armées, attend l’autorisation préfectorale et sa démilitarisation pour pouvoir être exposé. Douze fusils vont, eux, être mis en place dans les prochains jours puisqu’ils viennent de passer par le banc national d’épreuve des armes de Saint-Etienne. Deux vitrines ont été mises à disposition de l’historien et collectionneur local Serge Renger, spécialiste du Kilianstollen, cette galerie allemande qui s’est effondrée sur 34 soldats à Carspach en 1918. Un mannequin de hussard n’attend que d’être posé sur son cheval.
Du côté de la tranchée pédagogique, dans la partie du Mémorial confiée aux Tranchées Oubliées, les bénévoles de l’association éponyme s’activent, sur fond de relations « fragiles mais qui ne demandent qu’à être consolidées » avec la municipalité, dixit le maire. Une convention régit les rôles et missions des uns et des autres : « la tranchée pédagogique, l’exposition temporaire, des réserves, un bureau et un membre titulaire au conseil de gestion pour l’association, ainsi que l’entrée gratuite pour ses membres actifs et surtout une belle autonomie dans leurs actions », résume Alexandre Berbett. « C’est un accord que je trouve équilibré. » L’élu est confiant, la muséographie permanente comme le travail des Tranchées Oubliées seront prêts pour le jour J, qu’il soit en mai ou a fortiori un peu plus tard.
Sous des projecteurs déjà savamment dirigés, la présence du képi du caporal Peugeot, auréolé du tampon du 44e régiment d’infanterie de ligne, rappelle en tous cas l’essentiel. Il y aura ici, au Mémorial de Haute-Alsace, des trésors à admirer.
Florent Mathern