St Ulrich 19.6
Cher Claude,
J’ai reçu ta lettre, le contenu a été pour moi une grande surprise, ce que tu écris du contenu de mes cahiers. Oui, cher Claude, l’affaire n’est en tout cas pas si simple, pense au gros travail, a tes nombreuses précieuses heures que tu dépenses seulement pour la transcription etc et le tout sans garantie. Et encore une chose: l’humanité a tellement souffert à travers les deux guerres qu’elle ne veut plus rien entendre d’événements de la guerre. Autant que je sache il n’y a que 2 livres de guerre allemands de 14-18 qui ont eu du succès (A l’Ouest rien de nouveau) et (4 de l’Infanterie version ebook allemand français) (1Ernst Johannsen et les Quatre de l’infanterie) (2 commande amazon) . J’ai lu les deux livres et vu aussi les films. Alors fais ce que tu estimeras juste, les 2 cahiers manquants 6+7 te seront envoyés, en tout cas encore ce mois-ci. Le cahier 7 est intact, exactement comme ceux que tu as. Le cahier 6 avait l’air mauvais, des feuilles arrachées et aussi en partie brûlées. Les feuilles qui étaient entières je les ai corrigées
en suivant et le contenu des feuilles brûlées je l’ai écrit dans le cahier ci-joint. J’avais tenu jusqu’en été 1915 un carnet de notes journalier, il a été perdu avec tout mon sac à dos.
En fait, les cahiers sont un produit de l’ennui. Pendant les longues soirées d’hiver, juste après la guerre on ne savait souvent pas ce qu’on pourrait faire, alors je pris un cahier et commençai à écrire mes aventures de guerre, et c’est ainsi que se créèrent ces cahiers. Je crois que j’ai une très bonne mémoire et pendant la transcription je revécus le tout encore une fois. Comment j’ai pu y arriver est pour moi encore une devinette. Aussi j’aimerais bien que mon nom ne soit pas cité. J’ai maintenant 70 ans et on doit se préparer lentement pour le départ dans l’au-delà. Alors, encore une fois, fais comme tu penses, en tout cas je te remercie beaucoup pour tes efforts. Ici chez nous trois il ne se passe pas beaucoup. Moi-même je souffre de bronchite et je vais en boitillant car je n’ai plus de gras dans l’articulation gauche
et comme les os se frottent secs j’ai à chaque pas des douleurs jusqu’au genou. Adèle va un peu mieux avec la marche. Nous avons une nouvelle route en macadam depuis la fontaine de St Ulrich jusqu’à la vieille limite chez nous: bien égale et plate, là Adèle peut marcher bien que doucement avec la béquille. Elle est déjà montée jusque chez le Constant Schwob. . Avec le bras et la parole ça ne va pas beaucoup mieux. Fini a aussi beaucoup de douleurs avec ses calculs biliaires. Nous sommes contents qu’elle puisse encore, quoiqu’avec peine, nous cuire nos repas. Ainsi nous sommes un pauvre trèfle ( trio) . Mais surtout ne pas laisser tomber la tête, alors ça peut continuer. Si le temps le permettait nous serions en plein dans les foins. Mais il y a toujours beaucoup de pluies. Nous avons encore 2 vaches, je veux en vendre une. Le foin, je le laisse couper et rentrer avec les tracteurs. Jean Pierre, le fils aine de Marcel, a aussi réussi avant hier très bien son Certificat d’Etudes. Il veut apprendre un métier manuel. C’est un brave garçon, âgé de 14 ans, il mesure 1,72 m et pèse 120 livres. Quant à Ulrich et sa famille, ils vont bien.
Sans cela il n’y a rien de nouveau à Saint Ulrich.
Maintenant je veux terminer ma lettre et je te salue cordialement.
Nickel
Un salut d’Adèle et de Fini et aussi un salut à la personne qui t’aidera (???).
Ce serait évidemment bien si nous pouvions nous entretenir verbalement sur ces choses.
Encore une fois merci beaucoup et bonne chance.
EXTRAIT DE LA LETTRE DE JEAN CLAUDE FAFFA 14 JUIN 2023
Salut,Je t’avais envoyé il y a quelque temps un message avec notamment le passage suivant qui évoque -preuves à l’appui- la stupéfiante mémoire de Nickel.Comme tu ne m’as jamais répondu, je te le renvoie Et je pense qu’il est intéressant de souligner cet aspect tout à fait miraculeux, incroyable, inexplicable, unique de ce livre. Exemples, entre autres:
-Prenons par exemple les pages 70 à 117 du livre : Nickel y mentionne successivement les petites localités suivantes où il a passé dans les Carpates : Muncaks, Volocs, Vereky, Orawa, Zwinin, Gorlitze-Tarnow, Skole, Zurawno, Stroyi, Dniester, Rohatin, Liftira Gorna, Zlota Lipa, Brzezany, Przemyslamy, Lwow, Rawa Ruska, Gambeschow etc Comment est-il concevable de se rappeler -sans faute et 6 ans après- toute une ribambelle de noms barbares comme cela ? On va m’objecter que Nickel a peut-être trouvé une carte de la région Carpates-Russie. A Saint Ulrich, en 1919 ??? haha ! Et une carte qui indique les tout petits villages ? Comme par exemple le « Hameau de Kekeli , quelques baraques en bois couvertes de paille » mentionné page 163 ??? Impossible ! D’ailleurs Nickel m’avait expressément assuré qu’il avait tout écrit « de mémoire » sans aucune aide ou document.Et il y a des centaines, voire des milliers, de citations comme cela : lieux, dates, noms de personnes ou d’unités, , grades, évènements …. Et tout cela sans un seul cahier ou carnet de notes ? Rapporté ensuite dans ses mémoires sans une rature ? Et Angelika Tramitz, en bonne doctorante allemande, a vérifié tout cela aux sources indiscutables et n’a pu que confirmer que tout « collait ». Mystère….
Salut
jc
Courrier du 30-08-2022 de jean Claude Faffa a Daniel Lautié
Cher Daniel,
Grâce à ton envoi du nouvel exemplaire du livre de Nickel j’ai pu dire à Marie Sarah de garder celui qu’elle a pris ici et cela m’a donné aussi l’envie de le relire – ou, en fait, de le lire car je n’avais jamais lu que la version originale allemande et pas la version française.
-Alors, tout d’abord, toutes mes félicitations à Marc SCHUBLIN pour sa traduction remarquable. Transmets-lui mes compliments !
-Deuxième remarque : le livre est très bien présenté, illustration excellente.
Peut-être dans le titre : CAHIER D’UN SURVIVANT Un soldat dans l’Europe en guerre pourrait-on compléter : Un paysan-soldat dans l’Europe en guerre
-Enfin, la remarquable présentation du livre par Angelika TRAMITZ, à laquelle on pourrait ajouter éventuellement, en guise de post-scriptum, mon petit commentaire du livre sur Amazon, qui y figure toujours et qui en souligne le côté « miraculeux » :
Ce livre est un miracle.
Dominique RICHERT, jeune paysan du Sundgau, le sud de l’Alsace qui à l’époque faisait partie de l’Allemagne, est mobilisé en 1913 et se retrouve sur le front en Pologne, en Roumanie et en Russie jusqu’en 1918. Il est alors muté vers le front occidental, dans la Somme et continue toujours en première ligne et toujours 2e classe, jusqu’au moment où il réussit à déserter et finit la guerre comme prisonnier des Français.
Au retour, Nickel -c’est ainsi qu’on l’appelait dans son village- a passé un hiver entier à écrire le récit de cette expérience terrible et traumatisante: inutile de dire que tout ce récit, écrit dans un style très vivant et sans une rature, qui fourmille de dates, de noms de lieux, de personnes, d’unités, a été rendu entièrement de mémoire car, au cours de ses tribulations dans les tranchées il n’était évidemment pas question ni de tenir ni de conserver des notes ou un journal ou quoi que ce soit d’approchant. Et il range ces 6 cahiers sur une vielle poutre dans sa maison, mais il n’oublie pas ces terribles années de guerre et ne cesse d’en parler à ses proches.
Quarante-cinq années passent: jeune étudiant et ami de la famille RICHERT par mes parents et grand parents qui habitaient le même village, Dominique me parlait de ses années de guerre chaque fois que j’allais le voir. Et lorsqu’un jour il m’a sorti ses cahiers je lui dis, après avoir déchiffré laborieusement leur petit écriture gothique, qu’il fallait absolument les publier. Après une année passée à retranscrire ces textes, je contactai de nombreux éditeurs et auteurs allemands. Et finalement Heinrich BÖLL, Prix Nobel de Littérature, le transmit au centre d’archives sur la guerre de Fribourg où encore vingt ans plus tard, 2 jeunes étudiants allemands en doctorat le retrouveront et le feront publier non sans avoir constaté auparavant l’a concordance remarquable des citations de dates, lieux et nom, et la télévision allemande en fera un film.
Dominique RICHERT était mort quand son livre est paru, d’abord en Allemagne puis en France. Mais son livre reste un témoignage exceptionnel de la Grande Guerre vécue par un simple soldat, des possibilités stupéfiantes de la mémoire humaine et des aventures étonnantes de 6 cahiers d’écolier grignotés par les souris.
jc Faffa
Et je pense qu’il est intéressant de souligner cet aspect tout à fait miraculeux, incroyable, inexplicable, unique de ce livre :
-Prenons par exemple les pages 70 à 117 du livre : Nickel y mentionne successivement les petites localités suivantes où il a passé dans les Carpates : Muncaks, Volocs, Vereky, Orawa, Zwinin, Gorlitze-Tarnow, Skole, Zurawno, Stroyi, Dniester, Rohatin, Liftira Gorna, Zlota Lipa, Brzezany, Przemyslamy, Lwow, Rawa Ruska, Gambeschow etc On va m’objecter que Nickel a peut-être trouvé une carte de la région Carpates-Russie.
A Saint Ulrich, en 1915 ??? haha ! Et une carte qui indique les tout petits villages ? Comme par exemple le « Hameau de Kekeli , quelques baraques en bois couvertes de paille » mentionné page 163 ??? Impossible !
Et il y a des centaines, voire des milliers, de citations comme cela : lieux, dates, noms de personnes ou d’unités, , grades, évènements …. Et tout cela sans un seul cahier ou carnet de notes ? Rapporté ensuite dans ses mémoires sans une rature ? Et Angelika Tramitz, en bonne doctorante allemande, a vérifié tout cela aux sources indiscutables et n’a pu que confirmer que tout « collait ».
Quel est ton avis ? JC