Une nouvelle génération d’historiens se penche sur l’histoire des Malgré-nous
« C’est nécessaire de témoigner pour que l’Histoire ne passe pas à la trappe »
Petits-enfants, enfants, proches, curieux d’histoire locale : les Alsaciens étaient au rendez-vous, ce samedi, au Mémorial. Chacun avec son sac de larmes et son niveau de connaissance. Certains, comme Julia, de Sarrebourg, en savent beaucoup.
« Mon grand-père a été incorporé pendant 11 mois et 23 jours avant de déserter. Il m’en a beaucoup parlé. J’ai même présenté un dossier, au baccalauréat, sur les Malgré-nous. »
Roger, lui, ne sait rien de son père. Léon Holveck, de Natzwiller, porté disparu en Russie : voilà tout. « Nous sommes présents aujourd’hui pour honorer sa mémoire, assure Anna, son arrière-petite-fille. Je suis curieuse, je me pose beaucoup de questions sur cette période », explique l’étudiante qui a motivé ses grands-parents à participer à la cérémonie. « La jeunesse, sourit sa grand-mère Edwige, veut savoir. »
« L’une des journées les plus importantes de l’année »
D’autres, comme Patrick et Colette, de Wasselonne, ou Richard, de Dachstein, reconnu pupille de la Nation après le décès, en 1944, de son papa dans un camp de prisonniers en Union soviétique, doivent se contenter de lettres pour reconstituer le puzzle tragique. « Je ne pouvais pas manquer cette journée, assure Richard, animé par les mots du poète Paul Éluard : “Si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons”. C’est nécessaire de témoigner pour que l’Histoire ne passe pas à la trappe. »
Pour Élodie, petite-fille de Malgré-nous, ce samedi était clairement « l’une des journées les plus importantes de l’année ». Venue tout spécialement de Nice où elle vit aujourd’hui, la trentenaire originaire de Marmoutier était il y a quatre ans à Tambov, où son papy a été emprisonné. Elle est ce samedi à Schirmeck pour faire vivre sa mémoire. « Dès que je le peux, je parle de l’histoire des Malgré-nous. C’est mon héritage et je dois le transmettre », poursuit Élodie, qui apprécie le côté collectif et délicat de cette cérémonie des lumières. « C’est touchant d’être ensemble et de partager ce moment. »
D’ailleurs, personne n’a vraiment envie de se quitter. Certains profitent des animations (exposition, conférence), d’autres flânent sur le belvédère du Mémorial, prennent des photos, se recueillent devant le nom d’un proche disparu. Sur un banc, Suzanne écrase un sanglot. « La guerre a fait beaucoup de mal à notre famille », lâche l’octogénaire de la Vallée de la Bruche. En souvenir de ses deux oncles disparus, de sa grand-mère morte de chagrin et de son père rentré invalide de guerre, elle dépose deux photophores. À la tombée de la nuit, une lumière douce et chaleureuse en jaillira. Elle éclairera, tout au long du chemin, la mémoire des 130 000 Malgré-nous et les messages laissés par leurs descendants. L’un d’eux tient en une promesse : « Je travaillerai à ce que l’on ne vous oublie jamais. »
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