Laurent Bodin

13–17 minutes


Menacé de fermeture l’an passé, le Mémorial 14-18, à Dannemarie, a rouvert ses portes grâce à l’engagement de bénévoles passionnés qui n’ont pas voulu se résoudre face à l’inéluctable. C’est l’affluence qui décidera de l’avenir de ce musée sundgauvien.

– Aujourd’hui à 06:45 | mis à jour aujourd’hui à 17:08 – Temps de lecture : 4 min

Le directeur de l’office de tourisme Sud Alsace, Vianney Muller, observe la vitrine de soldats allemands au Mémorial de Haute Alsace, à Dannemarie.  Photo Vincent Voegtlin
Le directeur de l’office de tourisme Sud Alsace, Vianney Muller, observe la vitrine de soldats allemands au Mémorial de Haute Alsace, à Dannemarie.  Photo Vincent Voegtlin

La polémique est pour l’instant éteinte.   Définitivement ou temporairement ? L’avenir tranchera. Pour l’heure, le Mémorial de Haute Alsace, dédié à la Première Guerre mondiale dans le Sud Alsace, est bel et bien ouvert et vivant. Au moins jusqu’à la fin de l’année, voire plus si l’association créée en début d’année parvient à démontrer la pertinence de ce lieu. Cinq mille visiteurs sont espérés. C’est le seuil bas fixé pour prolonger l’aventure de ce musée trop coûteux pour le seul bourg de 2 200 habitants. La moitié du chemin a déjà été parcourue grâce à la vingtaine de bénévoles, qui ont relevé le défi, embarqués par deux Dannemariens plus habitués à manier les chiffres qu’à conter l’histoire.

La mayonnaise est en train de prendre, au vu de l’affluence depuis la réouverture début avril. « On a monté un budget très précis, avec l’objectif de dépasser les 5 000 entrées cette année puis de monter en puissance. On devrait y arriver. L’ambiance est apaisée », observent Léonard Scherrer et Roland Poillet, président et vice-président de l’association Devoir de mémoire et patrimoine. Ces deux-là, expert-comptable à la retraite et ancien DRH, s’occupent des finances et des projets. Dans les 400 m² d’exposition du musée, avec la vingtaine de guides bénévoles qui se relaient pour les visites guidées, Jean-Claude Schiehlé et Jacky Sontag, président de l’association des Tranchées oubliées, à qui l’on doit une grande partie de la collection, sont les patrons. À chacun ses fonctions…

Une scénographie qui débute en 1870

Le Mémorial de Dannemarie n’a rien à envier avec les autres hauts lieux alsaciens de la Première Guerre mondiale. Il a incontestablement une envergure dépassant l’échelle de la région. Il ne remplace pas les autres, n’est pas plus un concurrent. Il les complète.

  • Un soldat français et son canon, avec les différentes munitions d’alors, dans la salle des tranchées du Mémorial de Haute Alsace à Dannemarie.   Photo Vincent Voegtlin
  • Jean-Claude Schiehlé évoque le bombardement de Belfort par le canon de Zillisheim.   Photo Vincent Voegtlin
  • Les affiches de mobilisation allemande et française de la Première Guerre mondiale.   Photo Vincent Voegtlin
  • Un soldat allemand préparant des munitions.   Photo Vincent Voegtlin
  • Le musée de Dannemarie a accueilli 2 500 visiteurs depuis sa réouverture en avril.   Photo Vincent Voegtlin
  • Jean-Claude Schiehlé, entouré de Jacky Sontag, président de l’association Les Tranchées oubliées (à droite) et Roland Poillet, vice-président de l’association Devoir de mémoire et patrimoine, devant le casque du sous-lieutenant Mayer et du caporal Peugeot, les deux premiers soldats tués lors de la Première Guerre.   Photo Vincent Voegtlin
  • C’est à Jacky Sontag, collectionneur et président de l’association Les Tranchées oubliées (au premier plan), que l’on doit une partie de l’exposition du Mémorial de Dannemarie.   Photo Vincent Voegtlin
  • Des vitrines de soldats allemands et français au Mémorial de Haute Alsace, à Dannemarie.   Photo Vincent Voegtlin
  • Reconstitution d’une scène, coté français, avec un médecin, une infirmière et un soldat blessé.   Photo Vincent Voegtlin
  • Des visiteurs découvrent l’histoire de l’Alsace et ses premiers morts dans le Mémorial de Haute Alsace, à Dannemarie, le 25 avril 2024.   Photo Vincent Voegtlin
  • Le képi du caporal Peugeot, mort à Joncherey, dans le Territoire de Belfort, est l’une des pièces maîtresses du Mémorial de Dannemarie.   Photo Vincent Voegtlin
  • Jacky Sontag (à gauche) discutant avec Roland Poillet de l’histoire des Allemands du bataillon de marine allemand basé à Tsingtao sur la côte chinoise.   Photo Vincent Voegtlin

Dès l’entrée dans l’espace muséal, le visiteur est happé par l’histoire, la petite et la grande, celles de l’Alsace, de la France mais aussi de l’Allemagne qui s’entremêlent et s’entrechoquent. « La scénographie débute en 1870 puisque ce conflit explique toute la complexité de la guerre 14-18 en Alsace », rappelle Jean-Claude Schiehlé. La Marseillaise résonne au fur et à mesure que les images défilent sur les murs. Et puis il y a les costumes, ceux des 200 Alsaciens engagés dans la marine allemande en Chine, ceux des Alsaciens des troupes coloniales allemandes, celui du garde forestier de Hirtzbach… Défile aussi le temps du service militaire sous l’uniforme allemand avant guerre, l’heure de la mobilisation générale, l’entrée en guerre.

Jean-Claude Schiehlé évoque le bombardement de Belfort par le canon de Zillisheim.   Photo Vincent Voegtlin

Les affiches de mobilisation allemande et française de la Première Guerre mondiale.   Photo Vincent Voegtlin

Un soldat allemand préparant des munitions.   Photo Vincent Voegtlin

Le musée de Dannemarie a accueilli 2 500 visiteurs depuis sa réouverture en avril.   Photo Vincent Voegtlin

Jean-Claude Schiehlé, entouré de Jacky Sontag, président de l’association Les Tranchées oubliées (à droite) et Roland Poillet, vice-président de l’association Devoir de mémoire et patrimoine, devant le casque du sous-lieutenant Mayer et du caporal Peugeot, les deux premiers soldats tués lors de la Première Guerre.   Photo Vincent Voegtlin

C’est à Jacky Sontag, collectionneur et président de l’association Les Tranchées oubliées (au premier plan), que l’on doit une partie de l’exposition du Mémorial de Dannemarie. Il présente la nouvelle vitrine présentant le paquetage complet

https://vimeo.com/manage/videos/989116653

Des vitrines de soldats allemands et français au Mémorial de Haute Alsace, à Dannemarie.   Photo Vincent Voegtlin

Reconstitution d’une scène, coté français, avec un médecin, une infirmière et un soldat blessé.   Photo Vincent Voegtlin

Des visiteurs découvrent l’histoire de l’Alsace et ses premiers morts dans le Mémorial de Haute Alsace, à Dannemarie, le 25 avril 2024.   Photo Vincent Voegtlin

Le képi du caporal Peugeot, mort à Joncherey, dans le Territoire de Belfort, est l’une des pièces maîtresses du Mémorial de Dannemarie.   Photo Vincent Voegtlin

Jacky Sontag (à gauche) discutant avec Roland Poillet de l’histoire des Allemands du bataillon de marine allemand basé à Tsingtao sur la côte chinoise.   Photo Vincent Voegtlin

Des képis, des casques, des canons et des cartes

Le képi du caporal Peugeot, premier mort français, tué à Joncherey, de l’autre côté de la frontière d’alors, dans le Territoire de Belfort, fait face au casque du sous-lieutenant Mayer. « En 2008, le président Sarkozy a dit du sous-lieutenant Meyer qu’il était le premier mort alsacien. En réalité, il a été le premier Allemand tué, il n’était pas alsacien. Par contre, il appartenait au régiment de chasseurs à cheval basé à Mulhouse », précise Jean-Claude Schiehlé, qui souligne que « les Allemands connaissaient le terrain et la langue depuis l’Annexion de 1871, alors que les Français débarquaient en terrain inconnu, avec une langue qu’ils ne maîtrisaient pas ».

Sur chaque casque allemand, le visiteur découvre l’identification du land où est basé le régiment. Il y a donc beaucoup à voir au Mémorial de la Grande Guerre de Dannemarie, notamment les photographies du puissant canon de Zillisheim qui a frappé des secteurs jusqu’à Belfort. Il y a aussi à entendre et à lire, en particulier les techniques d’archéologie de guerre ou le cahier du soldat Dominique Richert, incorporé dans l’armée allemande tandis que son cousin Xavier était mobilisé côté français. Ce musée est aussi témoin des blessures physiques et morales de l’Alsace à compter de 1871.

Reconstitution de la vie dans les tranchées

Après une remise à niveau sur les grands et petits faits de la Grande Guerre, le visiteur peut rejoindre l’espace des tranchées. Une plongée véritablement extraordinaire dans le quotidien des soldats grâce au travail des bénévoles de l’association des Tranchées oubliées et de son président Jacky Sontag, qui a encore enrichi sa collection qu’il met à disposition du Mémorial. « La nouveauté, c’est la reconstitution d’un poste de commandement de l’armée française, mais aussi une vitrine sur le rôle des soldats américaine, avec une mitrailleuse », glisse l’intéressé

Ce dernier est régulièrement contacté par des familles ne sachant que faire de vieux vêtements militaires souvent retrouvés au fond d’un grenier. C’est ainsi qu’il a récemment acquis le paquetage d’un officier tué en août 1914. « Il était issu d’une famille noble alsacienne qui a pu organiser ses obsèques », précise le président des Tranchées oubliées. « On rend hommage à des gens qui sont morts à côté de chez nous. On ne dit pas assez qu’à Dannemarie, on était aussi sur la ligne de front. Il y a eu des combats ici, pas seulement dans les Vosges », insiste Roland Poillet, le vice-président de l’association qui gère le Mémorial. Un musée encore fragile mais plus que jamais actif et debout.

Mémorial de Haute Alsace, 43, rue de Bâle à Dannemarie. Tarifs : plus de 16 ans 7 €, enfants à partir de 8 ans 4 €, pass famille (2 adultes et 2 à 4 enfants) 20 €. Visites guidées pour les groupes, sur réservation, tous les jeudis. Site : www.memorial-haute-alsace.fr