RICHERT, Dominique
1893-19
Agriculteur à Saint-Utrich dans le Sundgau (Alsace), it est incorporé à l'âge de 20 ans au 112° régiment d'infanterie altemand, stationné à Muthouse. En septembre 14, it est envoyé en Belgique, puis il reste sur le front de l'est entre
Pologne et Russie jusqu'en avril 18, où il est envoyé en France, du côté de Laon, bonne occasion pour déserter Richert commence la guerre comme simple soldat ; il passe caporal, puis sous-officier: Après la guerre, il entame la
rédaction de ses souvenirs sur huit cahiers écrits d'un seul jet, sans rature ou mot corrigé, puis les range dans un tiroir. S'est-it appuyé suf des notes ? 0n lignore. Après divers pérégrinations du manuscrit, et vingt ans après l'a mort
de l'auteur, le texte allemand est édité en 1989 à Munich sous le titre Beste Gelegenheit zum Sterben. En France traduction, Cahiers d'un survwant, Un soldat dans I'Europe en guerre, l9l4-1918, est éditée en 1994 par La Nuée Bleue Strasbourg ( 287 p) Le livre de Dominique est d'une grande richesse que le lignes qui suivent ne peuvent épuisen D'abord, il témoigne d'une expérience particutière, celle d'un Alsacien dans l'armée allemande, qui se vit comme un soldat allemand. Les Français sont désignés sans équivoque comme l'ennemi . Lorsqu'iI se décide à déserter, en juiltet 18, on peut dire que cela lui est plus facile parce qu'il tente le coup avec deux autres Alsaciens qui savent parler français. Mais, déserte, il le dit clairement, c'est pour sauver sa peau, non parce qu'il a choisi la France. <.J'étais triste de quitte ainsi mes hommes et tous mes camarades sans pouvoir leur faire mes adieux >, note-t-il Lorsqu'un général français lui demande des renseignements sur les positions allemandes, il ne les donne pas :< J'avais déserté pour sauver ma vie et pas pour trahir mes anciens camarades. > L'attachement au ( pays ] est manifeste ; < J'observai son visage éclairé par la lune et reconnus en effet le Schorr Xavier de Futteren, village voisin du mien. T'es pas le Schorr Xavier de Fulleren ?" lui demandai-je en alsacien. ll en tomba pratiquement à la renverse, (…) Une fois le repas
terminé, on s'allongea sur la paille pour parter du pays. Je venais de recevoir une lettre de chez moi, me disant que les habitants de Fulleren avaient pu rester chez eux, malgré la proximité du front. Schorr fut très heureux de l'apprendre, car it était sans nouvelles depuis belle lurette. > Cet attachement explique également ses sentiments lors de l'entrée en guerre : < Je n'avais pour ma part aucune envie de chanter, parce que je pensais qu'une guerre offre toutes les chances de se faire tuer. C'était une perspective extrêmement désagréable. De même, je m'inquiétais en pensant aux miens et à mon village, qui se trouve tout contre la frontière et risquait donc une destruction. > Le 1" août, sa famille vient le voir à la caserne : < Ce fut une séparation pénible, puisque nous ne savions pas si l'on se reverrait un jour Nous pleurions tous les trois. En s'en allant, mon pere me recommanda d'être toujours très prudent et de ne jamais me porter volontaire pour quoi que ce soit. Cet avertissement était superflu, car mon amour de la patrie n'était pas considérable, et l'idée de mourir en héros", comme on dit, me faisait frémir d'horreur.Richert témoigne égatement de la vie au front et des souffrances des combattants. Ld pluie, la boue, le froid, poux, la soif et la faim, l[a fatigue des travaux sont autant d’épreuves dans la vie des sotdats. Par exemple, en octobre 1914 : < 0n resta environ quinze jours dans ces tranchées > sans être relevés. Comme il pleuvait souvent, elles furent remplies de boue et de saleté, à tel point que l’on restait souvent collé au sol. Nulle part un petit endroit sec, où l’on aurait pu s’allonger ou s’asseoir ! Quant à nos pieds on n’arrivait jamais à les réchauffer, Beaucoup de soldat souffraient de rhumes, de toux, d’enrouement. Les nuits étaient interminables. Bref, c’était une vie désespérant De même se plaint-il du faux repos : < Au lieu de pleinement se reposer ser, on dut s'exercer à un tas de bêtises : apprendre à se pésenter, pas de loie, bref, la même rengaine que dans une cour de caserne. > Les attaques absurdes, bombardements sont racontés avec un réalisme saisissant, ainsi, à propos de la bataille de Sanebourg les 19 et 20 août 1914 alors que les soldats doivent attaquer un village.< Un tir d'infanterie crépitant nous fut opposé ! Plus d'un pauvre sotdat tomba dans fherbe tendre. ll était impossibte d'aller plus avant. Nous nous sommes tous jetés par terre, essayant de nous enterrer à l'aide de nos pelles et de nos mains, 0n était étendus là, blottis contre le sol, tremblant de peur, attendant la mort d'un instant à lautre. > Face à de telles souffrances, les tentatives pour se soustraire à la violence de guerre sont nombreuses. Entre autres, iI songe à l’automutilation en avril 15, s’égare volontairement en luin, se porte volontaire pour des stages en novembre, contourne un ordre jugé absurde en mai 18, et finit par déserter en juittet. 0n comprend mieux son soulagement à fannonce de larmistice : < 0n se dit : c'est la paix !" Les larmes nous vinrent aux yeux. [...] Nous étions tous heureux que les Français aient gagné la guene, parce que, si ça avait été les Allemands, l'Alsace serait restée allemande et nous, en tant que déserteurs, n'aurions plus jamais pu rentrerà la maison. > C'est sur son retour que se terminent ces souvenirs d'un survivant ; en janvier 19, il revient dans son village, quitté cinq ans et demi ptus tôt : < Les larmes me montèrent aux yeux x. Je me mis alors à courir à toute allture pour arriver à la maison. J'étais fou de joie de revoir ma mère. 0n se serra fort dans les bras l'un de lautre, au bord des larmes, sans pouvoir dire un mot.> CM
Rèmy Cazals.< Deux fantassins de [a Grande Guerre : Louis Barthas et Dominik Richert>, article disponible, avec beaucoup d'autres informations, sur le site
http://dominique.richert.free.fr