Julien Steinhauser

4–5 minutes


Entre 1940 et 1944, des Siedler , des colons allemands, se sont installés en Alsace et en Moselle annexées au IIIe Reich d’Hitler, essentiellement dans le Sundgau. Ces Siedler venaient surtout du pays de Bade pour exploiter les fermes qui se trouvaient à l’abandon en Alsace et en Moselle.

L’évacuation de 1939 puis les évasions en Suisse de 1942

Dans la perspective des combats, en septembre 1939, le gouvernement français avait décidé d’évacuer, dans le Sud-Ouest, plus de 350 000 civils alsaciens et plus de 225 000 Mosellans. Après l’armistice de juin 1940 et le début de la collaboration entre Hitler et le gouvernement de Vichy, Berlin a organisé le rapatriement de ces exilés, souvent lors de mises en scène spectaculaires destinées à alimenter la propagande nazie. Mais tous ne sont pas rentrés. Certains sont restés dans le Sud-Ouest. Leurs fermes sont alors restées vides. Ce sont ces exploitations que les Siedler sont venus entretenir. Une deuxième vague de colons est arrivée après août 1942 et le début de l’incorporation de force des Alsaciens-Mosellans dans la Wehrmacht. Des jeunes gens et des familles ont fui en Suisse pour échapper à leur enrôlement. Là encore des fermes sont restées vides, surtout dans le Sundgau où des évasions massives ont eu lieu.

Qui étaient ces Siedler  ? Des occupants ? Des opportunistes ? D’authentiques nazis ? Ou au contraire, des Allemands jugés peu sûrs par les autorités nazies et déracinés de chez eux ? Combien étaient-ils ? Johanna, Anja, Johannes, Benjamin, Emilian et Valentin, des jeunes Allemands passionnés d’histoire, ont tenté de percer les secrets de cet épisode qui n’a, jusqu’à présent, jamais fait l’objet de la moindre étude universitaire. Ces lycéens scolarisés au Collège catholique privé St-Sebastian à Stegen, à l’est de Fribourg-en-Brisgau, ont découvert l’existence de ces Siedler au travers du témoignage d’un vieil homme, Bernharhd Ketterer, qui était l’un d’eux et qui leur a raconté comment il a passé sa guerre dans une ferme, à Moernach, dans le Sundgau. Ces jeunes gens se sont alors lancés dans ce une passionnante enquête. Ils se sont déplacés sur les lieux mêmes où ont vécu certains de ces Siedler  : à Moernach, Koestlach et Durlinsdorf. Avec leur professeur d’histoire Claudius Heitz, ils y ont rencontré des témoins directs de ces évènements, des élus locaux qui les ont aiguillés vers des documents. Ils ont aussi pris contact avec un instituteur retraité, Théo Hirth, de Ruederbach. Lui, avait, en 2013, rédigé une pièce de théâtre sur ce sujet car ses propres parents avaient été concernés.

4000 “Siedler” en Alsace en 1940

« Les gens n’ont pas arrêté de raconter. C’était sans doute la première fois qu’on les interrogeait à ce sujet », confient ces jeunes gens surpris par la manière dont ces personnes âgées jugent aujourd’hui ces Siedler. « Beaucoup d’Alsaciens nous ont dit ne pas les avoir connus directement car au moment de la Libération, ils étaient déjà repartis en Allemagne. Il n’y a eu qu’un seul cas où les Siedler étaient encore là quand les propriétaires de la ferme sont revenus en novembre 1944. On sait qu’en 1940, 4 000 Siedler vivaient en Alsace », racontent ces lycéens. « La plupart du temps, les Alsaciens leur ont été reconnaissants d’avoir entretenu la ferme durant leur absence. Les cas de Siedler qui sont revenus sur les lieux de leur séjour sont très rares. On sait que cela a eu lieu et qu’en général, le contact avec les Alsaciens s’est bien passé. Mais c’était surtout à partir des années 1980, une fois les blessures de la guerre refermées », racontent encore ces lycéens.

Ces jeunes Allemands ont prévu de publier un petit ouvrage sur cet épisode méconnu. Ils tiendront aussi une conférence mardi 2 juillet à 19 h à la salle communale de Kirchzarten, un village situé près de Fribourg-en-Brisgau.

Un dossier d’une double page sur ce sujet est à retrouver en allemand dès mardi 18 juin dans le prochain numéro de Rheinblick Magazin, un supplément hebdomadaire bilingue franco-allemand des journaux L’Alsace et Les Dernières Nouvelles d’Alsace, proposé sur abonnement à tous les lecteurs de ces deux journaux (écrire par courriel à l’adresse : alsrheinblick@lalsace.fr).